Chapitre 1 : Une adolescence dans les sous-bois
A 10 ans, je me passionne pour le VTT et débute sa pratique en “ecole de VTT”. C’est la discipline qui m’amenera à découvrir la compétition au niveau regionnal. Limité par une saison qui va de mars à octobre, je me tourne vers le cyclo-cross à 15 ans pour faire durer le plaisir.
De contûme, les jeunes cyclo-crossman viennent de l’école de vélo de route. Si je m’y suis mis “sur le tard”, d’autre s’y essaye depuis leurs 10 ans.
Le cyclo-cross est une discipline atypique et hybride. La saison commence dès septembre. Le sol est alors sec. C’est avec mon VTT que je réalise ma première saison. Bien plus sûr pour mois qui était un peu tête brûlée sur un vélo.
Pro tip: pour commencer en vélo de route, optez pour des pneus renforcés, le plus large possible, roulez moins vite dans les virages et surtout ne les gonflez pas trop (3 bars max !)
Débuter en cyclo-cross est assez simple. Commencez par sortir de la route, prenez les chemins de allages, les voies vertes. Moi j’ai commencé comme cela. Ensuite, au fil du temps, vous vous sentirez plus à votre aise sur les sols glissants, vous irez de plus en plus facilement dans les bois. Vous serez peu-être même, à la recherche de cette glisse si présente en cyclo-cross lorsque l’on roule sous la boue et que l’on revient d’une sortie comme si l’on avait fait une séance de bain de boue en thalasso.
Pour ma deuxième saison, mon entraineur de club, le VCP Loudéac, qui faisait partie des meilleurs régionaux, avait accepté de m’entrainer. Ensuite, tout est allé très vite. La saison de cylo-cross est “courte”, il faut progresser rapidement en technique et en physique. Si la préparation physique était guidé par l’entrainement fournie. J’ai appris les techniques spécifiques lors de stages organisés par le comité de Bretagne de Cyclisme.
Pro tip: Le cyclo-cross est aussi une des rares disciplines en vélo où des obstacles, le plus souvent, artificiels (escalier, marches, plate-forme, etc...) sont ajoutés sur les tracés. Apprendre à les appréhender et les repérer peut éviter bon nombre de pièges et donne un avantage sportif.
L’agilité acquise en cyclo-cross est bénéfique pour la pratique du VTT et du vélo de route. Faisant de moi un vrai touche à tout capable m’amuser sur les champs de bosses de BMX, d’appréhender une trajectoire et de controler sa glisse. Bref, tout ce qui vous rend plus fort en cyclo-cross, vous rends également plus fort en vélo de route et en VTT. C’est bien pour cette raison que l’on voit, l’hiver, s’affronter sur les mêmes chemins les champions du tour de France et de la coupe de France de VTT sur les mêmes chemins.
L’entrainement en cyclo-cross est certainement l’un des moments qui procure le plus grand sentiment de liberté. Route ou chemin, il est alors facile de trouver une parcours qui convient à l’humeur du jour et de laisser place au plaisir de pilotage. On oublie alors le monde qui nous entoure et on se concentre sur la trajectoire de sa roue avant.
Le cyclo-cross est un monde familial et bienveillant. C’est d’ailleurs ce qui me plaisait le plus dans cette discipline. Rapprochez d’un club ou comité de cycliste départemental ou régional prêt de chez vous. Ils répondront à toutes vos questions sur les licences et le règlement. Parler, au compétiteur et accompagnateur sur le bord des circuits.
Pro tip: Surtout, la première fois arrivée avec de l'avance, 2h peuvent suffire. Vous aurez ainsi le temps de vous repérer le parcours, vous échauffer seureinement pour ce départ explosif qui vous attend et épingler votre dossard !
Le cyclo-cross est un sport festif, alors prenez votre temps, restez parler après votre épreuve, encourager les autres participants. J’ai encore des souvenirs de mon passage en spectateur sur le championnat du Monde à Lanarvily où l’on se serait cru au festival des Vieilles Charues, juste ENORME !
Les courses de cyclo-cross sont courtes, entre 30min et 1h selon les catégories. L’effort y est intense et sans retenue dès le top départ.
Le premier objectif à se fixer est déjà de réussir un bon départ.
Le problème mécanique sur la première ligne droite est sûrement le fait de course le plus stressant. Un départ raté, un premier arrêt au stand, pire faire la course en sachant que l’on a plus de roue de secours ou de vélo de secours en cas d’un nouveau problème. Ce couperet de l’abandon sur problème mécanique. Ce sentiment d’injustice pour ce jour si spécial où vous vous sentez en forme herculéenne.
Le premier tour du parcours défini déjà une certaine hiérarchie dans l’épreuve. Les bouchons du milieu de peloton condamnes déjà les coureurs les moins attentifs et les moins explosifs.
Vient ensuite un long moment d’observation où il faut gérer son éffort à la limite, rester lucide pour ne pas faire de fautes techniques, enchainer les difficultés, traverser flaque d’eau, devers dans la boue, survoler les ornières.
Mais surtout il faut finir encore plus fort. Les arrivées sont souvent étroites, les sprints très courts. Arriver seul reste l’idéale. Avoir le temps de savourer son arriver, quelque soit sa place. Profiter de la chaleur du public et du stand de galette saucisse pour se réchauffer. Votre vélo fera peu-être 5 kilos de plus, si vous n’avez pas la chance d’avoir un vélo de secours au stand. Un passage au jet sera de rigueur avant de rentrer à la maison en attendant cette prochaine dose d’adrénaline.
Une succession de podiums m’a amené à porter le maillot de la sélection Bretonne jeune sur le championnat de France de Nommay. Ma première sortie sous les couleurs de l’équipe de Bretagne et mes premiers moments en collectivité sous pression dans le gel et la boue.
Le cyclo-cross m’a permis de prendre le sens du détail, de l’analyse. Prendre soin de mon matériel, me renseigner sur le lieu et l’évènement. Reconnaître le parcours pour en connaitre les pièges. C’est une discipline qui rassemble. L’hiver, il n’y pas de compétition de vélo de route, ni de VTT, ni de piste. Le cyclo-cross devient alors comme une grande messe du cyclisme où les meilleurs de chaque disciplines viennent se frotter aux meilleurs de cette discipline.
Le jour où j’ai repris un vélo de cyclo-cross en compétition comme entrainement pour mes saisons de cyclisme professionnelle J’ai réellement pris conscience d’un niveau d’exigence physique et technique de cette discipline où tout va très vite.
Chapitre 2 : Paris-Tours Espoirs le rituel de fin de saison
aujourd’hui, je vais vous parler de quelques souvenirs que m’évoquent le mois d’octobre. Plus que de belles couleurs , des coucher de soleil et des châtaignes qui ornent les routes, voici quelques souvenirs au coeur du peloton.
Paris-tours restera mon dernier souvenir de cycliste amateur. Avec ces 179Kms de l’édition 2008 et une quantité innombrable de longues et larges lignes droites, Paris-Tours est, pour les amateurs comme les professionnel, le dernier rendez-vous de la saison. Comme un point final, la dernière chance de briller, c’est avant tout la dernière opportunité offrete à quelque 180 chanceux d’avoir la confiance de leur équipe.
J’ai porté à plusieurs reprises le maillot de la sélection espoir bretonne. Mais le championnat de France espoir 2009 et cette édition de Paris-Tours espoir 2008 font partie de mes meilleurs souvenirs de cycliste. Je ne parlerais pas de “coureur”, pour moi synonyme de compétition pour la simple raison que je ne vais pas vous donner le retour sur l’adrénaline d’une victoire et autres prouesses sportives. Je vais plutôt vous parler du frisson de se laisser porter par la masse sur ces magnifiques routes tourangelles.
Dernière course veut aussi dire derniers entraînements. En amateur, je totalisais quelques cent jours de courses par saison. Privilégiant toujours les jours de courses et la récupération à l’entrainement structuré et minuté. Seulement voilà, en fin de saison, les coureurs se faisant rares les courses le sont tout autant. Elles sont espacées d’une semaine pleine comme en début de saison, mais voilà la motivation n’est plus la même. La peau porte encore les marques de la chaleur de l’été. La tête vainc comme elle peut la lassitude musculaire. Il faut encore mobiliser toutes les ressources musculaires et mentales pour retourner au charbon.
Cette dernière semaine de la saison à toujours eu un goût bizarre. Avec un fond de nostalgie, on sait que l’on effectue nos derniers tours de roues entre amis, enfin ceux qui ne sont pas déjà aux pieds de la cheminée. Avec le souvenir de ces moments pendant lesquels on parlait de nos petits bobos, de nos joies et de nos interrogations. Pour beaucoup on parle encore de merkato, le choix du club de l’année prochaine, de l’entrainement, parfois déjà du matériel. Cette dernière course sera donc l’affaire de l’homme qui se sera le moins démobilisé.
Alors on commence cette dernière semaine d’entrainement. On prend le vélo, on longe la côte, on évite les bosses (ça fait trop mal aux jambes), s’il pleut on fait de l’home-trainer, s’il vente on roule lentement. Oui mais une petite voix revient, disant: “ho là gamin, à Paris-tours ça roule à 45Km/h de moyene, il faut remettre en route, tu dormiras après !”.
Du coup, le mercredi on roule, des pensées on en a pleins la tête, alors on peut rouler longtemps, très longtemps ! Puis on débranche, chacun à sa façon, derrière voiture, scooter, on se concentre. On ne lâche pas le parchoc et on roule vite, très vite ! Car si l’organisme est endormi en fin de saison, comme une pré-hibernation, il n’en reste pas moins puissant fort de tous ces kilomètres déjà avalés à vive allure cette saison. On regarde le compteur, 40, 50, 60Km/h, jusqu’à 80Km/h (derrière voiture on roule vraiment très vite !). On surveille le seuil, si en début de saison on ne montre pas nos faiblesses et réalisons nos exercices au seuil au-dessus même de ce seuil. En fin de saison, on gueule ! On gueule quand ça va trop vite, on gueule quand il y a des à-coups !
Le jeudi, on n’oublie pas que c’est la dernière séance de côte de la saison. Cette fameuse côte, si soigneusement choisis pour qu’elle soit à une distance raisonnable du domicile, dur, longue, mais pas trop et l’aimer suffisamment pour y souffrir si régulièrement. On l’a déjà monté (et déscendue) de si nombreuses fois. Ce jeudi, on ne travail plus l’explosivité, on l’entretien ! Vous me direz où est la limite entre le travail et l’entretien? Je dois vous dire que je cherche encore ! Car ce jeudi, on se remet dans sa bulle de compétiteur, on se fait quand même un peu mal aux cannes. Il est temps ! C’est quand même sous un maillot de sélection qu’elle se fait cette dernière course, sur les centaines de coureurs bretons, j’ai quand même la chance de faire partie du groupe des 5 composé de moi, Lebars, Le Bellec, Pichon, Poulizac et Y. David (forfait) , entre privilégiés et survivants des pièges de la saison.
Le vendredi, on prépare le sac de course avec un rituel bien rôdé. On commence par les chaussures en vérifiant que les cales sont encore bonnes. On ajoute une paire de chaussette, les jambières, un cuissard et un maillot pour rouler la veille, des manchettes au cas où le soleil ne se lève pas dans le centre^de la France. Casque, gants, lunettes viendrons composer le paquetage. On vérifie à deux fois qu’il y a assez d’épingles pour les deux dossards de l’épreuve. On respire un grand coup et on ferme le sac !
Le lendemain, samedi, veille de cours, on retrouve l’équipe à Rennes pour effectuer les 5h de routes qui nous sépare de l’hôtel. Je crois me souvenir que cette année là nous étions tous des “puceaux” de Paris-Tour. L’ambiance qui régnait dans le camion était très studieuse comme endormie par la pression. Arrivée à l’hôtel on sort les vélos pour quelques tours de roues, on se débloque, on fait quelques pancartes, chacun à sa sauce. Puis vient la douche, le repas un dernier festin de pâtes sans beurre à la “sauce” huile d’olive saupoudrées de levure de bière. Une bonne nuit de sommeil lancera les dés de ce dernier jour de compétition.
Pour la dernière fois de la saison, en prend les épingles et on fixe solidement les dossards sur le maillot. La pression monte encore d’un cran. La fin de saison c’est un peu la loterie, soit on profite d’une belle journée d’arrière saison, soit on a une journée “tempête”, une semaine avant nous faisions Paris-Conneré sous une pluie battante. Par chance le soleil est annoncé pour ce dernier jour de fête.
On charge les vélos sur les voitures pour se rendre sur la zone de départ. Commence alors un dernier briefing de la saison, sans pression. Heureusement, l’ampleur de l’événement et nos ambitions personnelles, nous la mette déjà suffisamment. On part en équipe à l’émergement traversant un fin brouillard qui masque encore le soleil. Et on profite de quelques salutations avec les autres concurrents pour échanger quelques informations coupées de blagues potaches et légères. De retour à la voiture, on rempli les poches de ravitaillement, genre vraiment vraiment beaucoup, il y a 179Km au programme, ce serait dommage de finir sur un fringale!
Puis vient l’appel des coureurs, annonciateur du départ fictif. Comme une dernière parade pour les 180 partants. Les hommes en forme de la fin de saison, on les connait, on les surveil, mais ils portent un masque impénétrable. Paris-Tour c’est aussi beaucoup de pression pour une partie d’entre nous. Les effectifs des équipes professionnelles se clôture. Certains peuvent encore changer l’histoire, faire un exploit. Paris-Tours c’est aussi ça, cette part de rêve de vivre un jour la vie de coureur cycliste professionnelle. Ceux-là même qui vont franchir cette même ligne d’arrivé, tracée sur l’avenue de Grammont, quelques minutes après nous.
Le départ est donné. Place aux célèbres lignes droites, si grande et si large qu’il “suffit” de vouloir se faire mal aux jambes pour remonter ce peloton inarretable lancé à vive allure. Progressivement le soleil montre son nez, pour avoir un grand soleil d’automne au ravitaillement, en haut d’un faux plat au milieu des champs de maïs coupés quelques jours auparavant. La course peine à dessiner alors même que le peloton traverse ça et là la Loire et longe les maisons troglodytes.
Les vingt derniers kilomètres passent à une vitesse folle. On arrive vite aux trois kilomêtres cent de ligne droite de la mythique avenue de Grammont, sont entamés à un rythme effréné, en frottant j’ai la chance de me trouver dans le premier quart du peloton et de passer la ligne en trente-sixième place sans encombre. La course, elle, est gagné par Tony Gallopin avec deux minutes vingt-trois d’avance sur le peloton. Devant Romain Zingle et Julien Fourchard, un autre breton sous le maillot de Côtes d’Armor-Marie Morin.
Une porte se tourne sur la saison 2008. J’ai rendez-vous dans quelques jours à Lanion pour signer mon premier contrat pro avec l’équipe Bretagne-Schuller. Ponctuant ainsi les mois de stages passés avec l’équipe en cette fin de saison. Mettant aussi un point final à mes études. Me tournant vers de nouveaux défis sportifs mais aussi humains. Débutant un véritable parcours initiatique dans le monde des “grands”.
Chapitre 3 : Doit-on avoir le BAC pour être cycliste ?
>La réponse donnée par les parents à toutes les lubis d’adolescent est toujours la même: “passe ton BAC et après on verra”. Les sportifs en herbe n’y échappent pas ! J’ai eu la chance de passer mon BAC en “sport-étude”, puis mon BTS de la même manière. Au final, j’ai un BTS et j’ai été cycliste professionnel. En quoi mon BTS m’a servie pour être cycliste?
Je suis entrée au “sport-étude” de “Lorient Bretagne Sud” lors de ma deuxième seconde. Oui, j’ai “retapé” et j’assume. D’ailleurs, je dois vous dire que ce fut plus une chance qu’un échec. En effet, à l’époque de ma première seconde je voulais m’orienter vers le dessin industriel. L’équation de la réflexion était simple, j’aimais le dessin, j’aimais le vélo et l’univers matériel qui en découlais. Du coup, avec les copains nous passions plus de temps à dessiner des vélos sur bancs d’école qu’à écouter les profs. Une réflexion bien trop court-termiste qui m’a amené à redoubler.
Je reprends donc mon histoire, je suis en sport-etude lors de ma deuxième seconde. Le principe était simple, mon établissement scolaire avait signé une convention avec la section “sport-étude” afin d’aménager mon emploi du temps en fonction des événements sportifs. La réalité était bien autre. Puisqu’il me fallait rattraper les cours, seul, à la maison. Je n’ai jamais abusé de cet aménagement. Finalement, le fait de savoir que mon planning était aligné à mes objectifs sportifs m’avait rebooster l’envie d’apprendre. Avec un système bien fait, je repartais dans un cercle vertueux qui me faisait progresser sur la selle et sur les bancs d’école.
Le lycée et les courses juniors, ne sont fondamentalement pas si opposés puisque la fédération, les comités régionaux et départementaux ont suffisamment bien ficelé les règlements pour brider les excès d’orgueils des coureurs, entourages et autres en-cadrants. En junior, c’est la dernière catégorie jeune où les braquets sont limités à un certain développement. Où le nombre de jour de course hebdomadaire est limité. Je pense que le nombre de juniors qui terminent l’année avec plus de 10 000 au compteur est rare. N’oublions pas que même les courses fédérales et internationales ont des kilométrages entre 100 et 120 kilomètres, que les courses par étapes font rarement plus de deux jours. La charge d’entrainement nécessaire est donc raisonnable et accessible.
Finalement, la répartition du volume horaire d’entrainement d’un junior est assez simple et totalement compatible avec les études. Si l’on prend comme exemple, une sortie de récupération le lundi d’une heure-une heure trente. Une sortie de spécifique entre le mardi et le jeudi d’une heure-une heure trente. Une sortie de fond le mercredi de trois-quatre heures. Enfin, une sortie d’une heure-une heure trente de déblocage le samedi. Si l’on considère que pour un adolescent lambda ces heures sont, en moyenne, passées devant la console, pourquoi ne pas les utiliser pour quelque chose de plus utile ou constructif? Comme le sport.
Je me suis tellement plu dans mon “sport-etude” que j’ai finalement eu mon BAC avec mention. Puis, je l’ai continué en BTS. On avait vraiment une bonne émulation sportive dans ce groupe qui a plutôt bien réussis: Yann Guyot, devenu champion de France élite 2 et cycliste professionnel dans l’équipe cycliste de l’armée de terre ou encore Laurent Pichon, devenu cycliste professionnel un après moi dans la même formation: Bretagne Schuller.
En juillet 2008, alors âgé de 20 ans, je reçois mes résultats d’examen et je suis appelé par Joel Blévin, alors manager de l’équipe Bretagne-Schuller, la même semaine. Il m’apprend, lors de cet appel, que je vais compléter l’effectif de fin de saison sur les épreuves professionnelles! Je suis alors envahie d’une joie énorme avec un fond de sensation d’accomplissement. J’ai fait beaucoup de concessions et de sacrifices lors de mon adolescence, privilégiant étude et sport aux sorties et aux amis, pour toucher du doigt cet objectif. Et à ce moment-là, j’y suis.
Se succéderont alors quatre mois d’attente, ponctués par des courses d’une envergure que je ne soupçonnais pas. La naïveté de ma jeunesse et mes rêves d’enfant m’ont permis de découvrir cet univers professionnel avec des étoiles dans les yeux et, parfois, je dois le dire, le ventre tordu. J’ai eu la chance d’intégrer une équipe formidable à l’écoute de la jeunesse. Je devais me préparer à ne plus mener deux combats à la fois. Même si je voulais m’inscrire en licence, passer professionnel était synonyme pour moi de choix entre étude et sport, je ne pourrais plus mener ces deux projets de front.
Fin octobre 2018, je monte donc à Lannion, dans les bureaux de Joel Blévin. Je m’apprête à signer mon premier contrat de cycliste professionnel la semaine de mon anniversaire. Un timing si parfait qu’il m’est facile de m’en rappeler plus de 10 ans après, à se demander s’il avait fait exprès ! Bien qu’il n’en soit rien, il est commun que les néo-pros soit annoncé fin octobre.
Alors, à la question “faut-il avoir le BAC pour être cycliste professionnel?”. Je vous répondrais que, bien entendu, pour écraser les pédales, faire preuve de ténacité et d’abnégation, répondre aux besoins de l’équipe et suivre les consignes des directeurs sportifs et entraineur, aucun BAC ne vous prépare à cela. Mais les études, on fait pour ma part, parti de l’équilibre qui m’a amené à devenir cycliste professionnel. Dans les études, comme dans le sport, on est couvé par le système, protégé par “nos pères”. La vie active, c’est la guerre, il faut faire sa place tous les jours. On y laisse des forces, de l’énergie et on y emmagasine du stress, autant d’obstacles qui mettent des freins à un projet de sportif professionnel. Mais, ça, j’ai eu la chance de le découvrir après, en prenant progressivement mon envole.
Aujourd’hui, en “bon actif”, je regarde mon cv et je n’ai pas à rougir de ma formation initiale. Un BAC+2 et des certifications, certes ça n’équivaut en rien un BAC+5, une école de commerce ou une quelque grande école que ce soit. Mais, ce goût pour l’apprentissage et l’organisation, que m’a procuré le “sport-etude”, me permet de me former et d’apprendre quotidiennement. Bien malin celui qui, en 2008, aurait prédit que je serais un jour capable de coder une application web pour suivre mon activité sportive comme feezify:me ou encore, que j’aurais entrepris la création d’un magasin de vélo. Dans la vie, comme dans le sport, c’est en faisant qu’on apprend, qu’on repousse ses limites et qu’on se donne des objectifs, mais le sport est une excellente école de la vie.
Chapitre 4 : La chute
Ce n’est pas la première fois que vous dit que le sport est une école de la vie. Aujourd’hui, encore, cet article en sera un parfait exemple. Le programme du jour est simple, est parfaitement décrite par l’une de mes citations favorites tirée de Batman. Il s’agit de cette phrase prononcée par Alfred: “Pourquoi tombons-nous M. Wayne? Pour apprendre à mieux se relever.”
J’ai voulu commencé par cette citation parce que je la trouve si représentative de la vie d’un sportif, mais aussi, plus largement, de la condition humaine. Les chutes sont formatrices. Je me souviendrais toute ma vie de ce surnom donné par le CTR (ndlr: Conseillé Technique Régional, entendez par là sélectionneur) de Bretagne Samuel Monnerais. Nous sortions d’un stage à Camors en vue d’une sélection pour le championnat de France. Alors sur la ligne de départ avec les meilleurs cadets bretons (oui, ce souvenir n’est pas tout jeune), j’étais gonflé à bloc. Enfin au sens littérale, j’avais 4 bars dans le pneus de mon vélo de cyclo-cross. Sur le circuit gras et gravillonneux de Camors, ce choix technique n’était pas des plus judicieux. Je n’ai plus précisément en tête mon classement du jour, mais ce qui est sûr c’est que je n’ai pas gagné. Une chute sur une partie glissante, sans gravité, causée par une trop classique perte d’adhérence, m’auras valu ce surnom de “4 bars” et la perte de quelques places et du podium! Inutile de vous dire qu’à partir de ce jour-là, je n’ai plus jamais négligé la pression dans mes pneus et inspiré quelques moqueries !
Une autre chute qui m’aura marquée quelques années plus tard, était sur route, à Plumelin. Lorsque je tombe dans les derniers kilomètres de la course, nous n’étions plus que deux en tête, avec une confortable avance. Je m’en souviens non pas parce que j’ai été éliminé sur sur chute, mais parce que mon conccurent à eu la sportivité de m’attendre ne voulant pas gagner d’une façon “anti-sport”. Bilan de l’histoire, après cette glissade, on termine tous les deux dans un sprint que je gagne. Ce jour-là, mon intrépidité aurait pu me coûter bien plus que de simples bleu. J’aurais au moins appris qu’il n’était pas utile de prendre autant de risques pour deux secondes alors qu’il y en avait bien plus à perdre.
Mais “la chute”, c’est aussi comme l’institutrice, à l’école, qui te dit rabâche sans cesse qu’il ne faut pas oublier le “s” derrière les “tu” pour en prendre l’automatisme. Sauf que j’ai été mal éduqué, ou habitué, par les chutes (et même l’orhographe!). Des chutes, dans ma carrière, finalement, je n’en ai connue que très peu, préférant surfer sur mon agilité et une certaine “ruse” pour les éviter. Si je préférais m’échapper rapidement des pelotons pour éviter de trop frotter avec mes 1m72 et 62kg. Parfois, même souvent, finalement, chez les professionnels, rester au chaud dans le peloton était inévitable. Alors, je m’étais mis à prendre comme jeu les sprints massif, servant souvent de poisson pilote à nos sprinteurs, parfois me classant, slalomant entre les vélos à terre et m’appuyant sur les armoires de belges pour rester en selle. Je profitais des descentes de col pour faire des pointes de vitesse et “travailler” de belles trajectoires extérieur-intérieur-extérieur.
Seulement, à force de jouer avec le feu on se brûle! Un jour de mars 2010, ma bonne étoile avait décidée de me donner une leçon. Et une bonne pour le coup! Comme un gamin en Corse, pour le départ du critérium international aux cotés de Lance Amstrong, Alberto Contador, … bref la crème de la crème. Ce n’est pas dans une échappé que j’aurais passé ma journée, ni dans le peloton, mais dans le gruppetto. Cette première étape, qui nous amenait dans les cols du centre de l’ile de beauté, pourtant ,je l’attendais avec impatience. Avec en tête les bons souvenirs passés sur la Route du Sud l’année précédente, j’espérais y trouver mes premières “bonnes” sensations en montagne. A défault de les trouver dans les montés, je les ai cherchées dans la descente. Les routes de Corses nous font traverser des paysages magnifiques, alors, incrédule, j’y ai cherché un plaisir de pilotage dans les épingles. Si j’avais su que cette épingle avait des gravillons dans son intérieur, que mon boyau arrière se décollerait sous la chaleur du gros freinage nécessaire pour rétablir la trajectoire. Si je l’avais su, j’aurais tempéré mes ardeurs, m’évitant l’inévitable: la paroi du col que nous descendions quelques minutes derrière le peloton.
Les minutes qui suivent sont vagues. Je me réveille dans les bras de l’un de nos accompagnateurs qui fermait la marche et qui me disait de ne pas bouger, d’attendre l’ambulance. Ce qu’il ignorait, c’est que même avec la plus grande des volontés, je ne pouvais le contre-dire, je ne pouvais, simplement, pas bouger. J’avais mal partout: la tête, les bras, la hanche. Je savais que quelque chose n’allait pas. Mais je ne savais pas quoi. Mon casque était cassé, mes lunettes aussi. Je n’avais jamais connu pareille violence. Pourtant, j’avais laissé, par le passé, quelques dents sur le bitume d’un skate-park. Quelques flashs, plus tard, je me réveille à l’hôpital, sous anti-douleurs. Face à moi, se positionnait le manager de l’équipe, de médecin de l’équipe et quelques membres du staff de l’équipe qui servait d’îlot directionnel aux services médicaux de l’hôpital.
Malgré tout le monde qui m’entourait, je ne me suis jamais senti aussi seul. Il n’y a rien de pire que d’être dans l’attente. L’attente d’une expression sur un visage, l’attente d’une parole, l’attente d’un avis médical. Encore sonné par le choc et shooté par les antidouleurs, je me repose pendant que les infirmiers panses mes plais. Sur la hanche, les bras, les mains et le visage… la liste s’allonge à chaque moment de lucidité. Quelques minutes plus tard, je pars avec le brancardier à la découverte des couloirs de l’hôpital, quittant les urgences pour réaliser quelques examens. Les médecins veulent en savoir plus sur ce qui se passe dans mon corps et moi aussi. Je veux aussi comprendre d’où viennent ces douleurs et savoir quand je pourrais remonter sur un vélo.
Visiblement, je ne retrouverais pas ma chambre d’hôtel ce soir. Suite aux radios et à l’IRM, le corps médical était à la cherche une chambre pour que j’y passe, au moins, la nuit. Je devais rester en observation du fait du trauma crâniens diagnostiqué. C’est à partir de cet instant, bien qu’étant toujours dans le brouillard, que je commençais à y voir plus clair sur la situation. Comprendre comment les choses vont s’organiser. Savoir ce qui va se passer. Mais finissons l’inventaire des « bobos », le médecin me dit, avec le sourire, que ma clavicule gauche était cassée, mais aussi que mon pouce droit l’était tout autant. Ils ont aussi relevé une fissure sur un os de la mâchoire. S’il n’y a rien d’envisageable pour la fissure de la mâchoire, qualifiée de bénigne, l’état de ma clavicule aura donné lieu à un débat plus long, entre le médecin urgentiste et le médecin de l’équipe. Le médecin de l’équipe, qui en même temps, fait jouer ces relations sur le continent pour trouver un chirurgien qui peut m’opérer « rapidement » de mon pouce définitivement en miette.
Les heures défilent. Le repas, m’est apporté après délibération de l’équipe médicale. Et j’avais faim. Cela faisait plus de dix heures que je n’avais rien mangé d’autre qu’une patte de fruit, durant la centaine de kilomètres de l’étape parcourant l’ile de beauté à vélo. Pour rassurer ma famille informée de l’accident, le manager de l’équipe me prend en photo tout sourire, avant d’envoyer le MMS. Ce n’est que quelques minutes après avoir vu cette photo que je me demande si elle était vraiment une bonne idée… Ne serait-ce qu’à cause de mon visage. Il était partiellement couvert de pansements et les yeux marqués par les coquards. Il était quand même sacrément dur ce mur ! Maintenant, je dois me reposer. Demain, je devrais rentrer seul sur le continent pour continuer mes soins.
Je quitte donc ma chambre d’hôpital dans la matinée, après les derniers soins, mais aussi surtout après une bonne dose d’antidouleur pour tenir tout le périple qui m’attendait. Je n’oublie pas de remercier l’équipe médicale qui m’a bien bichonné. Mon retour commence donc en taxi, direction l’aéroport de Porto Vecchio avec une étape à l’hôtel de l’équipe pour récupérer les affaires restées dans ma chambre. C’est dans l’aéroport, que je prends la mesure de l’aventure qui m’attend. Se déplacer avec les deux bras immobilisés, un sac à dos et une valise ne sera pas une partie de plaisir. Je changerais d’avion à Marseille, avant d’atterrir à Nantes, certainement le vol le plus dur de ma vie. Les effets des médicaments s’estompaient. L’espace manquait pour mes bras en écharpes. La détresse de ne même pas pouvoir ranger moi-même mon sac en cabine. S’en suit une heure et demi de taxi, avec un chauffeur super gentil, avant d’arriver devant les portes de la clinique Saint Grégoire, vers dix-huit heures, où j’étais attendu. Un long périple qui se termine avec encore un peu de paperasse.
C’est dans cette nouvelle chambre d’hôpital que je passerais les deux prochains jours. Je rencontre donc deux chirurgiens qui confirment les diagnostiques posés par les urgentistes corse pour mon pouce et ma clavicule. Ils m’ont aussi confirmés que je ne serais opérer que du pouce. Sportivement, il faut se rendre à l’évidence, avec la clavicule gauche immobilisée dans une écharpe et le pouce de la main droite broché, comment je pourrais seulement tenir un guidon d’ici la fin du prochain mois? Pourquoi un mois? Parce que c’est le temps pendant lequel je vais devoir garder les broches. Je garde quand même l’espoir de faire de l’home-trainer avant, à l’image de mes collègues et confrères qui ont connu des coupures forcées. Un mois, c’est déjà une éternité pour un sportif amateur. Déjà qu’à l’inter-saison, on ne s’autorise qu’une quinze jours de repos avant de remettre la machine en route progressivement, pour redevenir compétitif dans un mois et demi. Le calcul du retour à la compétition était ainsi fait, je devrai prendre mon mal en patience et attendre deux mois.
Nous sommes alors fin mars et je comprends que je ne remettrais pas un dossard avant fin mai. De leur côté les spécialistes de la santé me disent qu’il faudra à mon organisme un an pour se remettre de toute cette casse. Je n’ai jamais connu de coupure en pleine saison encore moins de blessure alors finalement c’est avec un peu d’optimisme et de crédulité que j’évalue la situation. Après tout, pourquoi ne pas l’être? Booster les premiers jours par les messages de soutien disant « tu reviendras plus fort ». Pourquoi se prendre la tête? Alors que son contrat ne sera renégocié que dans cinq mois. Pourquoi douter que tout ira bien? Quand on connait les histoires de ceux qui ont rebondi. Pourquoi penser que ce sera dur? Alors que tant de personnes envies ton statut et pense que tu n’as que ça à faire de ta vie à cet instant? Le sport étant mon métier je me devais de gérer la situation de façon professionnelle. Comment? Je serai le seul à répondre à cette question.
ps: La photo de cet article est un clein d’oeil à la saga de Batman de Christopher Nolan. Vous n’avez pas cru que je vous choquerais avec ma photo dans cette chambre d’hopital ?
- Nicolas