Je ne me suis jamais senti aussi seul que sur mon vélo, mon surf ou avec mes baskets. Le sport, c’est aussi ça: la solitude. Lorsque j’étais cycliste professionnel, une sitation ma marqué, au point que je m’en souvient encore aujourd’hui … onze années après!
"La solitude est l'élément déterminant de la condition humaine, seul l'homme se rend compte qu'il est seul." Le Labyrinthe de la solitude - Ocatio Paz
Au programme :
A la recherche de cette solitude
Lorsque j’ai commencé le vélo à douze ans, j’ai fait mes premiers tours de roues à l’école de vélo. Je préférais alors les sorties VTT du samedi avec leurs jeux, lots de bobos et l’esprit de camaraderie. Rarement seul, souvent accompagné, j’avais converti et fédéré autour de moi un groupe d’amis qui me suivaient dans mes nouveaux défis.
Seulement voilà, quand vous vous mettez à la compétition vous remettez en question vos acquis, vos habitudes et votre style de vie. D’ailleurs, petite parenthèse, j’ai une petite question à vous poser. Saviez-vous que Tiger Woods (ex-N°1 mondiale de Golf) à du totalement ré-apprendre son swing pour quitter la dixième place mondial et devenir ce champion ? Le responsable ? Son entraineur ! Lorsque l’on se met au sport, ce que l’on appelle une sortie devient un entrainement. Les entraînements nous préparant à la compétition, leur efficacité sont accrus en suivant des programmes personnalisés de séances à réaliser seul. Des moments faces à soit même où l’on sue et souffre sans limites.
Mes premiers tours de roues seul, je l’ai fait à quinze ans lorsque je préparais les cyclo-cross. Des sorties sur la voie verte, dans les bois, face à ma montre cardio comme seul adversaire. Saviez-vous qu’un cardio ça ne parle pas? Enfin au début des années 2000 ! Bien loin de l’Iphone qui joue maintenant la playlist que vous avez programmé avant de partir, vous parle à chaque kilomètre pour vous dire la performance du kilomètre précédent. Alors, on profite vite de ces moments pour laisser vagabonder son esprit, réfléchir, s’oublier face à la nature.
Ces moments seul, on apprend à les apprivoiser, en profiter et à les provoquer. L’un de mes plaisirs lorsque j’étais cycliste professionnel était de m’évader, seul, en montagne pendant les périodes sans compétition. Au volant de ma 207, je traversais d’une traite la France, le sourire aux lèvres, pour me rendre dans les Alpes. Un peu comme un retour aux sources, face à moi-même et à la nature sur des séjours d’une semaine, sans amis, sans famille, sans réseau et sans internet.
J’organisais mes journées ainsi: vélo le matin, randonnée pédestre l’après-midi. Rien d’autre. Un arrêt sur la place de l’église qui séparait l’appartement du point de départ, pour faire le plein de nourriture de qualité (boucher, boulanger, … artisanaux) Bref le pied ! La montagne est le lieu où j’apprivoise le mieux ma solitude, comme une seconde nature lorsque j’y suis à faire du vélo ou une randonnée, repoussant mes limites. Découvrant de nouveaux challenges, de nouveaux paysages.
Lorsque je me suis mis au surf, j’ai retrouvé ce sentiment, je l’ai apprécié différemment. Seul, face au couché de soleil, devant ce vaste horizon, on se sent si petit. Il n’y a plus qu’à contempler le paysage, écouter le bruis des bagues et capturer ce moment pour ne pas l’oublier. La solitude est finalement une sorte de liberté dès lors qu’on n’est pas contraint de la subire.
Quand elle me casse les c***les
Mais c’est bien parce qu’on a conscience d’être seul que c’est un sentiment difficile à accepter. Le sentiment de solitude peut remettre tellement vite les choses en question. Seul derrière un peloton, pourquoi continuer de souffrir? Il est si facile d’abandonner. Quel est l’intérêt d’être seul à l’eau un jour de surf médiocre ?
Il est si facile d’arrêter, d’abandonner, de remettre les choses à plus tard. Pourquoi insister quand on est dans un jour sans ? Je ne suis jamais tombé dans cette facilité. Par passion, il faut profiter de ce moment, même s’il est trop dur, que vous êtes sûr d’avoir atteint vos limites, il faut s’adapter. Car s’il y a bien une chose que j’ai apprise en surfant ou lors d’une journée de tempête dans une course par étape c’est que ce n’est pas la nature qui s’adaptera à vos états d’âme, à vos maux.
Je pense qu’en sport le plus important est de jouer avec ses limites, les repousser, faire les choses pour soit, à son niveau. Pourquoi voit-on un coureur lambda finir un marathons, quand, d’un autre côté, un cycliste monte dans la voiture balaie par ce qu’il est dans un “jour sans”? Peut-être, parce qu’il se retrouve derrière le peloton, avec un égo blessé. Il en oublie le sens même du plaisir sur ces routes fermées à la circulation. Résultats la semaine suivante son entraineur lui augmente les heures de selles. Il compensera ainsi ce qui n’a pas été fait, probablement seul. Comme il n’a pas profité de ce rendez-vous avec lui-même, perdu dans cette épreuve de masse, le voilà doublement punis. Est-ce plus épanouissant de sentir la punition au regard du programme d’un entrainement ou d’affronter son égo et repousser ses limites?
La solitude, c’est un rendez-vous avec vous-même. Face à vos questions, vos peurs … C’est une des plus grandes chances qu’il est donné aux sportifs qui savent s’attribuer ce petit moment hors du temps. Ceux qui savent en tirer une force là où elle peut devenir une faiblesse. Cette coupure dans notre quotidien, cette chance d’évasion qu’on nous promet à chaque coin de rue. Alors, provoquez-le, ne ratez pas ce rendez pour quelque raison que ce soit et vous en sortirez plus fort !
- Nicolas